C’est sous un Paris caniculaire que Warner a accueilli les fans, très nombreux, venus écouter l’album OK KO en avant-première, mercredi 25 juin dernier. Nous avons eu la chance d’y être, d’écouter très attentivement l’album et de prendre quelques notes. On vous raconte !
C’est dans les locaux de chez Warner Music France, dans le 18ᵉ à Paris, qu’une centaine de fans privilégiés se sont réunis pour écouter ce tant attendu septième album. La soirée a commencé autour d’un cocktail et d’un petit karaoké mettant en valeur les derniers singles du groupe. Malgré une clim très appréciée, la température commence à monter, tant l’excitation d’ENFIN découvrir des nouveaux titres est grande.
Lorsque Jenn et les garçons font leur entrée, l’ambiance monte encore d’un cran. Quelques mots et questions sont échangés avant le lancement de l’album. Une anecdote retient l’attention : le morceau « OK KO » est né à la toute fin du processus, quinze jours avant le mix final, confie Jenn. Les quatre lettres lui sont venues comme une évidence : c’était le titre de l’album. Il fallait maintenant transformer ce titre en chanson, et vite ! C’est donc dans une urgence maitrisée que l’album a été finalisé. Mais, après tout : « c’est ok le chaos » ! Dans cette introduction, Jenn évoque aussi le studio comme un véritable laboratoire. Beaucoup de morceaux ont été accélérés, avant d’être de nouveau ralentis, retravaillés, réinventés… Quant aux deux titres phares de l’album selon Jenn ? OK KO et Stereo Song ! Trêve de discours, place à l’écoute !
En ouverture, l’éponyme OK KO annonce la couleur (rouge) d’un album bouillant, débordant d’énergie… un album caniculaire ! Si nous connaissions déjà des extraits de ce titre, l’écouter en entier nous permet de saisir l’ensemble des paroles, couvrant les nombreuses remises en question de Jenn pendant la décennie précédant cet album… un peu à l’image d’All Alone, qui, à sa façon, faisait l’état de ce que Jenn avait traversé avant de nous livrer Sunset. Et puis ce refrain, « c’est OK le chaos » : on n’a pas fini de le ressortir comme un mantra ! La chanson gagne en intensité tout le long, avant un pont faisant une sorte de cassure, puis une outro avec des guitares bien lourdes comme on aime. Si c’est ça le chaos, on en redemande !
Le morceau suivant, Les Cheveux, prend tout le monde de court. Moins de deux minutes de pur rockabilly (encore plus que Le Rock à Billy !) façon Elvis Presley à la sauce Superbus : un morceau qui évoque les changements de style, d’apparence, où les refrains « je coupe mes cheveux comme je bouge les reins » sont particulièrement remarquables, et où la voix de Jenn est méconnaissable et magnétique. C’est court, intense… décoiffant ! Et déjà une folie en live.
Ces métamorphoses physiques amorcent celle qu’a subie Lola, la piste suivante, dans sa version revisitée en trio avec Nicola Sirkis et Hoshi. Les trois voix s’accordent à merveille, apportant une autre intensité à ce morceau culte (aka le single le plus vendu/streamé de l’histoire de Superbus), sans jamais le dénaturer. Musicalement, on se rapproche de la version live de Lola qui a grandi et évolué au fil des années, avec une orchestration plus rock et affirmée. Sorti depuis le début de l’année, ce Lola 2025 a été couronné Single d’Or pour 15M de streams il y a quelques jours !
OK KO prend ensuite une tournure plus sombre, du moins dans les paroles. « Je me vengerai, je te mangerai, sale gosse indécise » : et oui, il n’est pas question de navigation à la voile dans L’Ancre ! Mais plutôt des troubles d’une relation amoureuse. L’Ancre est l’un des morceaux les plus attendus depuis qu’il avait été teasé en 2018 sur Instagram, mais aussi 2020 sur Télématin. La patience paye ! Avec ce titre, Superbus propose une ballade faussement légère, bercée par une mélodie entêtante, sur fond de synthés à la Ça Mousse. Les guitares, proches de Strong & Beautiful, confirment que le morceau a sans doute germé peu après Sixtape. Le morceau évolue ensuite vers des refrains bien rock et un rythme qui donne envie de taper dans les mains. Une richesse d’arrangements qui marque durablement, et qui pourrait avoir un gros potentiel de single.
Mauvais Réflexe arrive ensuite, poursuivant cette plongée dans les amours finissantes. Sur un riff synthé-guitare entêtant, Jenn revisite les ruptures : « j’ai dormi dans mon lit sans toi ». Typique d’un Superbus léger et coloré, avec des teintes de Sunset, mais avec des paroles douce-amères, le morceau reste en tête avec son refrain accrocheur et son break instrumental final.
Le titre s’enchaîne assez naturellement avec Aseptisé, comme si cette relation douloureuse finissait par nous donner plus largement un vertige sur notre monde numérique. Moins centré sur l’intime, le titre devient presque dystopique, mais tout en restant hyper punchy-Superbus. Mais on a déjà disserté dessus il y a quelques temps maintenant.
Une nouvelle phase dans l’album OK KO démarre avec le petit retour dans le passé que représente Butterfly feat. RORI. Une prod modernisée et un petit vent d’électro-pop viennent donner une nouvelle dimension à ce titre emblématique de Superbus, initialement sorti en 2006 sur Wow, en version duo avec la chanteuse belge RORI. (Et une toute petite modification dans les paroles que les plus attentifs ont du remarquer !) C’est ce titre qui accompagne la sortie de OK KO, avec son clip façon Kill Bill sorti il y a quelques jours.
Et s’il y a bien une autre chanson dont on aimerait voir un clip, c’est Midnight Express – même si on se doute que ça restera un rêve, car ce n’est pas vraiment un titre formaté pour être un single. Mais pour le cinéma, oui ! Cette incroyable chanson nous plonge dans une atmosphère mélancolique un peu rétro, comme dans un film des années 80, où l’on imagine les lumières de la fin d’une soirée, ou une errance nocturne sous le ciel d’une ville endormie. On est entre le City of Stars de La La Land et une ambiance à la Keyhole de Lova Lova. C’est subtil, envoutant, vaporeux… et un saxophone vient cloturer très joliment le titre. Sept albums, et toujours cette capacité de se réinventer, de surprendre, d’essayer. Ils sont trop forts les Superbus. Une pépite !
Niveau « ré-invention », le titre suivant est Need Y… hum Baby Boom, que certains d’entre nous connaissent depuis 2022 en live, et depuis 2024 dans sa version définitive de Baby Boom sorti en second single de la période OK KO. Définitive ? Il nous semble avoir perçu quelques légers nouveaux arrangements au niveau des chœurs sur cette version album, à confirmer en seconde écoute. Avec Baby Boom, les tons pop-rock de l’album reprennent le devant, et on poursuit les interrogations sur notre place dans un monde qui se délite comme avec Aseptisé.
Viens ensuite l’incroyable La Corrida, un titre bouillant, plus positif et revanchard, entre ska, reggae et presque « marching band ». « Regarde-moi… faire ma corrida », scande Jenn, on est de retour dans les tumultes des relations amoureuses. On pense à No Doubt, Madness, aux meilleurs élans des ères Pop’n’Gum et Aéromusical. Le titre part ensuite fort sur les guitares et on adore !
Chaos oblige, après cette corrida qui sentait le Sud, l’Espagne, la Californie… nous revoilà dans une ville endormie avec Paris Paris, une ballade rock où la voix de Jenn paraît aussi vulnérable que lorsqu’elle avait dévoilé le morceau en live au Casino de Paris en juin 2024. Les guitares sont hypnotiques, c’est Paris la nuit, Paris le spleen. Un instant de douceur bienvenue.
Pour mieux nous secouer ensuite ! Depuis Paris, nous repartons en voyage avec La Locomotive. Avec son nom de comptine pour enfant, ce titre fait démarrer le train avec un sifflement gimmick très entêtant (futur jingle de la SNCF ? on vote pour), pour enchainer avec des rythmes hyper entraînants et des riffs de guitare saturés, couplés à la voix du chef de bord en anglais. Potentiel single ? En tout cas, elle devrait faire fureur en live : « pas sans mooooi WOUH ! ».
Le train nous ramène ensuite en territoire hispanique avec Stupido, une chanson assez planante avec des airs de reggae mais toujours dans les racines ska de Superbus. C’est un titre en français, avec seul le refrain en espagnol. Les paroles s’inspirent encore une fois des relations humaines… elles sont dédiées aux trop gentils, qui donnent sans forcément avoir de retour et finissent par se faire avoir : « trop bon, trop con, trop bien, pas assez »…
L’album se termine sur un bijou : Stereo Song, véritable hommage aux fans et à l’âge d’or pop-rock du groupe. Le morceau fusionne l’esprit de Tchi-Cum-Bah, Travel the World, Radio Song et les paroles nous immergent dans un Video Killed The Radio Star version 2025. Le rythme ska, les guitares très typées des 2000’s… tout nous donne juste envie de danser comme quand on était des ados aux concerts de Superbus. Et d’ailleurs, elle marche déjà très bien en live ! « Back in the days, when we were on the radio-oh-oh », chante Jenn. Stereo Song, c’est la chanson de ceux qui sont restés fidèles. Elle vient clôturer l’album sur une note nostalgique mais surtout festive, comme un nouveau départ après des années de doute. En tous cas, nous, avec des titres comme ça, on en veut bien encore pour 25 ans de plus !
Ce qui frappe à l’écoute d’OK KO, au-delà de l’énergie et de la densité émotionnelle, c’est l’hétérogénéité assumée de l’ensemble. Là où beaucoup d’albums (même chez Superbus) cherchent à imposer une ligne claire, voire un concept, ici le groupe revendique le chaos comme fil conducteur : un chaos musical, narratif, émotionnel, mais un chaos vivant !
On pourrait presque croire à une compilation tant les styles s’enchaînent : ska, pop-punk, rock saturé, ballades cinématographiques, reprises de leurs plus grands tubes… Mais plutôt qu’un patchwork décousu, OK KO ressemble à un best of de ce que Superbus sait faire de mieux, sans qu’il ne soit jamais question de nostalgie figée. Il y a un peu de Pop’n’Gum, de Wow, de Sixtape, de Sunset, de Lova Lova (oui, on va tous les citer !)… mais surtout ce petit grain de folie, ce lâcher-prise solaire qui faisait le charme d’Aéromusical. Retrouver le souffle d’un premier album, ce n’est pas donné à tout le monde ! Et pourtant, dans OK OK, on trouve de nombreux d’éléments qui font échos à la légéreté de l’album du Soleil, du Loup et d’Ennemie. La boucle est bouclée ? (Non s’il vous plait, on veut d’autres, et pas dans 10 ans si possible hahaha)
Quatre grands axes thématiques structurent, ou déstructurent, ce disque. Et sont exprimés… en français ! Dans la lignée de Sixtape et XX, toutes les chansons d’OK KO sont écrites dans la langue de Molière, avec, Superbus oblige, seulement des refrains en anglais… et en espagnol ! (Notez d’ailleurs qu’il n’y a pas eu de chanson entièrement anglaise depuis Sunset.) Comme souvent sous la plume de Jenn, il est question des relations humaines, et surtout des amours contrariés. Elles apparaissent sous mille formes, parfois tendres, parfois rageuses. L’Ancre, Mauvais Réflexe, Stupido ou encore La Corrida racontent des attachements vifs, des départs, des regrets, des explosions. Les sentiments sont fougueux, les mots acérés. Viens ensuite le regard sur le monde d’aujourd’hui. OK KO, Aseptisé et Baby Boom posent un diagnostic frontal sur la société contemporaine : chaos mental, ultra-connectivité, guerres. Ce sont les morceaux les plus lucides, et peut être même les plus sombres du groupe, mais aussi les plus ancrés dans le présent… et les plus pop-rock ! Face au présent, il y a aussi le passé, avec sa pointe de nostalgie. On veut parler de Butterfly et de Lola revisitées bien sur, mais aussi de Stereo Song et de Paris Paris. Et puis, plus étonnamment, il y a… le train, et le voyage de manière générale. Véritable fil rouge symbolique, il traverse l’album comme sur des rails. Avec La Locomotive, Midnight Express, L’Ancre… le champ lexical du voyage, du mouvement, de la fuite ou de l’errance, confère à OK KO une dynamique narrative quasi cinématographique. Plus qu’une collection de chansons, OK KO devient un trajet émotionnel. Il ne manquerait pas grand chose pour réussir à transformer le tout en comédie musicale. Si Sunset s’ouvrait sur « j’attends encore le dernier train » il y a 13 ans, ici, on a embarqué !
Mais ce voyage n’est pas linéaire. Le placement des titres n’obéit pas vraiment à une logique thématique ou stylistique. L’ordre est (volontairement ?) chaotique : on passe d’une ballade à une tempête, d’un flashback à une fête. Les deux titres les plus ancrés dans le passé, Lola et Butterfly, ne sont même pas cantonnés à une place nostalgique en début ou fin d’album, mais insérés en plein cœur de l’écoute, comme pour insister sur leur statut intemporel. Cette non-linéarité accentue la sensation de déambulation libre, de fougue maîtrisée, de lacher-prise pour un disque qui pourra difficiment être mis dans une seule case. Et c’est justement ce qui rend OK KO aussi captivant. Le groupe ne cherche pas à s’adapter aux codes du moment. Ils explorent, jouent, assument les transitions abruptes, les cassures de ton, les influences multiples. Ils se permettent du chanté-parlé, assez présent dans les productions les plus récentes de Superbus, des touches ludiques et décalés à l’image de certains titres de chansons (Les Cheveux, Stupido, La Locomotive…), tout en renouant avec du ska, du gros rock en passant par des ballades et même la présence de cuivres… Les morceaux sont chacun un mini-univers, se répondant entre eux, se confrontant, se contredisant parfois.
Pourtant, l’album tient par sa cohérence de fond : ce sentiment d’urgence, de chaleur, de bouillonnement qui sort de cet opus chaotique mais foisonnant d’émotions et de créativité. On revient au noir, blanc et rouge, couleurs chères à l’image de Superbus. Le rouge donc, couleur de l’amour, du sang, des néons et des soirs d’été. Une couleur qui évoque la brûlure de vivre, les conflits intérieurs, la sensualité, le chaos en quelque sorte, et… la canicule. Le terme « pop-fiction » n’a jamais été aussi été évident pour parler du travail du groupe, alors que cet album sent le road trip bouillant et le western spaghetti un peu absurde, et que des liens à Tarantino sont évoqués sur le dernier clip ou certaines compositions de l’album.
« C’est ok le chaos » : mot d’ordre de cet album qui nous faire renouer sans complexes avec le pop-rock-ska des années 2000, sans cloisonnement, sans jugement, avec une liberté et cette joie désinvolte qui faisait déjà briller Superbus à leurs débuts. Avec OK KO, le groupe revient ni en rétrospective, ni en mise à jour, mais en embrassant tout ce qu’ils sont capables d’être à la fois.
Après cette écoute pleine de surprises, d’intensité et d’émotion, un temps d’échange a été partagé entre le groupe et le public. Impressions partagées à chaud, regards brillants, remerciements… Parmi ceux qui prennent le micro, de très jeunes fans, même pas nés à la sortie de Wow, et qui nous ont fait passer pour des dinosaures ! La relève est là !
S’en suit une petite séance de dédicaces et de selfies, et on profite de cet instant pour découvrir l’album en version physique : ça y est, après toute cette attente, on l’a enfin dans les mains ! C’est un objet soigné, en trois volets, avec livret d’un côté, CD de l’autre, remerciements au milieu… et des visuels marqués par une esthétique du chaos. Glitchs, superpositions, formes étranges… et le retour de la lune rouge et de la mer vue depuis une fenêtre, contraste entre beauté naturelle et défragmentation numérique. Le « OK » et le « KO » se croisent jusque dans l’artwork. Mention spéciale à la surpochette transparente du CD, mais aussi au vinyle rouge translucide : de bien beaux objets de collection !
Et puis vient l’heure de partir. En sortant de chez Warner, le ciel s’est embrasé : nuages noirs, ciel rouge, éclairs et tonnerre. Quelques minutes plus tard, une tempête s’abat sur Paris. Et dans ce tumulte, une phrase nous revient en boucle : « c’est OK le chaos ».
PS : cet article a été écrit avec une seule écoute de l’album, on vous laisse vous faire votre propre avis dès sa sortie, ce vendredi 4 juillet !